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Il y a dans mes compositions, 
des motifs récurrents,
les variations d'un ciel,
les gammes chromatiques d'une terre,
le ressac au pied d'une falaise... 
 
 





Ces espaces idéalisés sont pour moi autant de visions du destin humain au sein de l'univers vivant.

Interview par Chantal Sigaud pour Enfants d'ailleurs

Que représente la peinture pour Eva?


Cette artiste peintre ne se pose même plus la question, tant la peinture habite et architecture sa vie. Elle travaille au Havre et participe à de nombreuses expositions. Ainsi, chaque jour, pinceaux à la main, elle réalise passionnément son rêve de toujours.
Et je me permets de rappeler à son intention ces propos de Zao Wou-Ki :

« Je peins ma propre vie, mais je cherche aussi à peindre un espace invisible, celui du rêve où l’on se sent toujours en harmonie, même dans les formes agitées de forces contraires ».

La peinture est pour moi une possibilité féconde d’appréhender le monde. C’est une expression liée à l’imaginaire, à la sensibilité et à la mémoire.
Le peintre lutte pour donner naissance à un espace doté d’une âme et capable de susciter une émotion profonde.

Il partage une vision particulière qui crée des sensations et ainsi ouvre un dialogue. C’est à la fois l’incarnation d’une quête intérieure et une façon de tracer un chemin entre deux solitudes.

La peinture dont je parle est une exaltation du présent, de l’éclat du monde et de la vie. Elle revendique les droits à l’imagination et au merveilleux, la beauté et le sacré dans la création.
Elle représente aussi une lucidité qui a besoin de s’exprimer, un langage à la fois intime et universel.

« L’art est le rêve de l’humanité, un rêve de lumière, de liberté, de force sereine ».

Romain Rolland

Cer art qui donne à voir, qui étonne et enchante comme une évidence que l’on reçoit en plein cœur, rend grâce à la part de divin qui subsiste.

Il cherche à provoquer un sentiment esthétique et non une réflexion esthétique. C’est une présence, la voix d’un autre en nous, qui nous aide à voir le monde différemment, à le vivre plus intensément.
Il nous enracine tout en ouvrant notre horizon et nous permettant d’aller au- delà de soi.

Comment définir la peinture?

«La peinture est mémoire nimbée de lumière» Michel Angel Asturias

Peindre, c’est continuer une histoire. Chacun arrive à son tour et ajoute une expérience à celle de ses pères.

Personnellement, cela correspond à un besoin profond de regarder la nature, si riche dans ses formes et ses couleurs, parfois délicate et fragile, parfois puissante et sauvage, et de tenter d’en restituer l’éclat et l’évanescence.

Je peins avec mon instinct, d’une manière spontanée, imprégnée des paysages et des œuvres des grands maître.

Lumière et couleur se trouvent au centre de mes compositions. Elles les façonnent et créent des zones où le regard peut s’arrêter et percer le mystère de la profondeur.

Les couches colorées que j’appose se fondent et superposent leurs transparences comme un filtre qui viendrait sublimer le paysage.

J’essaye de transcrire mon émotion intérieure, qui est souvent liée à l’espace et à la lumière des lieux qui m’ont marquée.

Selon mon intuition, je travaille dans un va et vient entre réel et imaginaire, guidée par la musicalité des nuances, l’expression du mouvement, l’évocation du trait, les accidents et les surprises.

Je tente de créer une atmosphère et de faire apparaître des morceaux d’histoires comme les fragments d’un alphabet, un rivage à marée basse, le ressac au pied d’une falaise, l’orée d’une forêt, une colline au couchant, le souffle du vent, l’appel des étoiles...

La couleur domine dans mes toiles, mais le bleu tient une place importante dans ma palette.
Il est l’alliance du ciel et de la mer, de notre origine à notre finalité, une teinte unique en résonance avec l’intériorité, la mélancolie ou encore les songes.

La matière de la couche picturale et l’énigme des repentirs et des apparitions dévoilent la charge émotionnelle du travail et donnent du sens à la contemplation.

Comment la peinture est-elle arrivée dans votre vie?

«Le monde est plein d’attraits et d’appels, plein de signes et de sens, et notre existence,

elle aussi, est chargée de désirs et d’élans, elle va dans un sens et elle a un sens» François Cheng

J’ai grandi entourée de nature et de peinture. Mon père était peintre et, avec ma mère, ils avaient quitté Paris pour rénover une vieille demeure dans un petit village normand.
Je vivais sous les toits, face à l’atelier de mon père, avec une vue sur les champs à l’infini, les arbres, une rivière.

Sensible, imaginative, créative, plutôt silencieuse, je m’isolais avec bonheur pour peindre, lire et courir la campagne à la recherche de tous les petits trésors possibles, fossiles, vestiges archéologiques, bois ouvragés par les saisons, squelettes, graines...

Cette créativité spontanée s’est tarie à l’adolescence, lorsque mes parents ont divorcé et que nous avons quitté notre sanctuaire.

Elle est revenue bien plus tard, quand je suis devenue mère à mon tour. Mon mari et moi venions de passer deux ans sur une île des Marquises, Ua Pou, l’île des deux piliers à l’origine de la grande maison dans les légendes marquisiennes.

Je rentrais alors avec un bébé âgé d’un mois, mon fils aîné Alexandre Teaki (le ciel) Moana (la mer), le cœur rempli de paysages époustouflants aux couleurs éclatantes, les valises débordant de coquillages, de cailloux fleuris et de graines, apaisée, heureuse.

J’avais ressenti de nouveau le besoin de peindre ! Je ne cherchais pas à montrer mon travail. L’ombre me convenait.

La relation aux enfants (j’ai mis au monde trois garçons et une fille) a ancré ma pratique artistique dans la vie et lui a apporté sa dimension poétique. C’était peut-être un désir de suspendre le temps, de garder une trace de moments que l’existence nous offre.

Bien plus tard, quand mes enfants sont entrés à leur tour dans l’adolescence, j’ai décidé de travaillé en atelier et de commencer à exposer mes tableaux.

Cette ouverture aux autres est à la fois un bonheur et une bataille.
Je me sens vraie dans ma pratique et parfois même utile mais il faut tenir envers et contre tout et parfois contre tous !

Est-ce une libération?


 «Et dans la forêt, je pars, pour perdre mon esprit et retrouver mon âme» John Muir

La peinture représente pour moi un moyen de combattre la mélancolie et le sentiment d’impuissance au regard du monde.

Il y a au fond de moi une enfance si heureuse de peindre, spontanée, libre, ivre de lumière et de nuances confondues.
Bien sûr que la mise en œuvre à l’atelier est nourrie d’observations, de rencontres, de lectures, de réflexion mais, devant la toile, je sais déserter le réel et me laisser complètement happer par mes recherches et mes couleurs.

C’est un état de grâce mais également une lutte et parfois une souffrance pour tenter de rendre visible l’objet de mes désirs.

Il y a une barrière entre ce que je ressens et ce que je vais être capable de peindre. Le doute est là mais c’est aussi cette soif d’idéal qui me donne l’envie inlassable de recommencer et de tout expérimenter.

 

Qu'avez vous  l'impression de donner aux autres par la peinture?

«L’humanité a besoin d’une consolation qui illumine» Stig Dagerman

On m’a dit un jour que je pratiquais une peinture sans avenir ! Je ne me suis jamais posée la question de l’avenir de ma peinture ! C’est un acte au présent, un cri d’amour ! Telle une lucidité qui a besoin de s’exprimer et la toile me semble plus juste que les mots, plus directe pour partager les choses dont on a l’intuition.

J’aime peindre et créer des visions que d’autres vont pouvoir aimer à leur tour, voire les inspirer peut-être, leur permettre un moment d’oublier leur quotidien et de retrouver des souvenirs et des émotions enfouies.

C’est une façon de restituer la beauté que je reçois, de donner du sens au silence et à la contemplation, de mettre à terre ce sentiment d'impuissance qui si souvent me saisit quand je regarde l’état du monde et quand je pense aux tristesses qu’il faut traverser dans une vie.

Ce sont les autres qui prolongent l’œuvre lorsque leur cœur s’ouvre...

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